Antoine DENTAL dit « BATILOU » comme son père déjà (surnom qui résonne comme « bâtisseur » …) nous a quittés.
Nous nous devions de rendre hommage à ce maçon hors pair, cette véritable force de la nature, qui a construit et restauré les maisons du vieux village qui participent le plus de sa beauté et de son charme, mais aussi les caladages dans le respect de la tradition ou encore les murets de l’ancienne ceinture médiévale.
Lorsque l’on chemine dans les rues du centre historique que nous dévalions, étant jeunes, lors de nos parties de cache-cache, on retrouve sa marque, aussi bien sur les maisons de pierres apparentes que sur celles restaurées à l’ancienne où les enduits d’origine sont prolongés dans les mêmes teintes, le même grain et conservant précieusement les pierres visibles. Car laisser la pierre apparente sur une façade, est un véritable travail d’orfèvre que mon grand-père savait réaliser avec soin: remplacer les pierres poreuses (« tuve ») ou de schiste gris fragilisé, ajouter par-ci par-là des fragments de vieilles tuiles ou de briques ou simplement pour le plaisir d’ajouter une clé ancienne en fer forgé, à la manière d’un peintre qui poserait la touche finale à son oeuvre!
Mon grand-père était un artiste, une sorte de « compagnon » formé dans l’amour de son village et amoureux des vieilles pierres au point de réaliser avec elles des constructions entières (murs extérieurs et intérieurs).
J’ai pu, dans ma jeunesse, l’assister avec mon père qui était déjà son second. J’ai vu alors le plaisir qu’il prenait à tailler des portes en plein cintre ou en arc brisé et aussi les encadrements, les escaliers et les angles des murs !
La Commune venait d’acquérir la tour du château encore en ruines et je me souviens que Michel Isnard, Maire de la Commune et artiste avait demandé à mon grand-père de reconstituer l’escalier de l’entrée ouest du château (voûte des écuries) dont les pierres avaient disparu…
Un jour qu’il était en train de tailler et d’agencer de nouvelles grandes et lourdes pierres (il n’était pourtant plus si jeune…), Victor Pastor qui visitait le village, passa par là. Il se trouvait que les deux se connaissaient et s’appréciaient.
Je me souviens que Victor Pastor (qui avait bâti tant d’immeubles et de tours à Monaco… ) dit à mon grand-père : « Ça fait du bien de revoir travailler la pierre et je vais vous aider à restaurer ce château ».
C’est ce qu’il fit, et son fils Patrice après lui lors des deux grandes opérations de réhabilitation du château. Nous pouvons remercier le hasard de la rencontre entre ces deux hommes qui fut une chance pour Gorbio !
Il faut savoir par ailleurs, qu’aucune difficulté n’a jamais freiné mon grand père ni aucun défi : ainsi il était capable et il l’a démontré, d’élever un mur de pierres sur plus de 15 mètres, et ce sur un échafaudage de fortune et avec une simple poulie.
C’est cette image qui ne nous quittera jamais, celle d’un homme, d’un père et d’un grand-père, généreux, humble et surtout désireux de partager son savoir, un homme comme il en existe de moins en moins, un homme respecté et aimé de ses proches et de tous, dont l’empreinte à Gorbio, ne s’effacera jamais !
Texte de Cyril DENTAL son petit-fils, avec la participation de Michel ISNARD pour les photos ainsi que l’histoire de tous ces travaux entrepris au fil des années.
Mon grand-père et Michel : une vraie rencontre, celle de deux grands hommes qui ont partagé une amitié sincère et un talent d’artiste accompli pour le plus grand bonheur des générations à venir.